Sicilian Ghost Story

Fabio Grassadonia & Antonio Piazza, 2017, Italie, DCP, version originale italienne sous-titrée français, 117', 16/16 ans

Archives 2018

Description

En 2013, Fabio Grassadonia et Antoine Piazza dévoilaient «Salvo» dans le cadre de la Semaine de la critique. C’est dans la même sélection lors de l’édition 2017 du Festival qu’ils ont dévoilé leur second long-métrage, «Sicilian Ghost Story», qui prolonge de manière passionnante les thèmes de leur premier long-métrage. Une nouvelle fois, le duo hybride récit criminel cru et matière première mythologique, pour aboutir à une oeuvre aussi inclassable qu'entêtante.

Après la découverte de l’humanité par un homme de main meurtrier, c’est au contraire le surgissement de l’horreur dans une Sicile prisonnière des brumes d’un conte gothique que narre le duo. Luna et Giuseppe n’ont pas encore 14 ans, mais ils s’aiment passionnément, n’en déplaise à leurs familles, à couteaux tirés. Quand le jeune garçon disparaît mystérieusement, Luna ne tarde pas à comprendre que la mafia locale est de la partie. Elle va remuer ciel et terre pour retrouver celui qu’elle visite en rêve, la nuit tombée, au cœur d’un mystérieux lac.

Forts de l’incroyable photographie de Lucas Bigazzi – collaborateur de longue date de Paolo Sorrentino – le duo de metteurs en scène peut déployer un style à la fois ample et riche. Qu’ils suivent leur héroïne via les envolées d’un hibou aux airs de narrateur silencieux, qu’ils accompagnent son errance dans une forêt de conte ou l’immergent dans un cauchemar éveillé aux reflets mordorés, ils nous imbibent l’écran d’une imagerie gothique puissamment évocatrice.

Tableau vivant immensément poétique, «Sicilian Ghost Story» n’est pas qu’une simple évocation esthétique, puisqu’il s’inspire d’un terrible fait divers italien et du supplice subi deux années durant par un jeune garçon dont le père venait de trahir ses collègues mafieux. Il s’agit donc ici de retranscrire une horreur authentique, par le biais d’un univers métaphorique capable de soutenir la vision onirique des cinéastes, sans traduire l’essence même des événements dont ils s'inspirent. Ce défi complexe est relevé tout au long du film, jusqu’à l’un de ses derniers plans, image aquatique d’une sidérante dureté, où «Sicilian Ghost Story» marie soudain des concepts, textures et couleurs proches de l’abstraction, avec la description naturaliste de la monstruosité criminelle de ses personnages. – Simon Riaux, Écran large

 

> Voir la critique filmée de Rémy Dewarrat pour Clap.ch