I feel good

Benoît Delépine & Gustave Kervern, 2018, France, DCP, version originale française, 103', 12/14 ans

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Description

Le duo grolandais Delépine/Kervern (Groland est un pays fictif imaginé en 1993 par l’équipe de Jules-Edouard Moustic pour l’émission «Groland Sat» de Canal + au cours de laquelle les deux amis se rencontrent) n’a jamais caché son goût pour le cinéma subversif et poétique à tendance loufoque. Tout juste dix ans après «Louise-Michel», cocktail détonnant de satire sociale et d’humour décalé sur les conséquences de la délocalisation, «I feel good» s’intéresse à la rencontre de deux mondes en apparence incompatibles (le havre de solidarité d’un centre Emmaüs contre les ambitions de start-up d’un homme qui ne pense que profit) que les réalisateurs finiront par concilier, jetant ainsi un pavé dans la mare d’un libéralisme à tous crins.

Étonnante vision que celle d’un homme seulement vêtu d’un peignoir blanc, sandales aux pieds marchant le long d’une route. Il vient de s’échapper de son séjour de thalassothérapie dont il ne peut assumer les frais. Sans attaches, sans argent, sans métier, il n’a d’autres choix que de se rendre chez sa sœur qui dirige un centre Emmaüs à Lescar-Pau. Elle lui offre ce qu’elle propose à tous ceux qu’elle accueille : un toit, des repas et quelques alternatives de réinsertion. Mais il n’a que faire de ces propositions... Lui, il veut devenir riche, trouver le truc auquel personne n’a encore pensé. La création d’une entreprise de chirurgie esthétique basée en Bulgarie lui apparaît comme une idée de génie. Il tentera même de convaincre les compagnons qu’il côtoie tous les jours du bien-fondé d’une agréable physionomie comme gage d’une meilleure vie, égratignant au passage la dictature de l’apparence.

Car notre tandem facétieux continue à prendre un malin plaisir à pointer du doigt les aberrations de nos sociétés futiles et égoïstes. Le ton décalé et corrosif fustige pêle-mêle individualisme forcené, appât du gain et soif de pouvoir mais ne manque pas de laisser entrevoir l’espoir d’une voie possible, en contre-pied du système libéral, à travers ces groupuscules humains qui s’aiment et se respectent. Le scénario frôle souvent les portes de l’absurde mais parvient à contourner la caricature, parfois de justesse [...] grâce d’une part à un savant saupoudrage entre douce folie et tendre émotion et d’autre part au don qu’ont nos joyeux compères d’envelopper à l’envi tous leurs personnages, des plus humbles aux plus prétentieux, d’une saisissante humanité. – Claudine Levanneur, aVoir-aLire.com