Au poste!

Quentin Dupieux, 2018, France, DCP, version originale française, 73', 16/16 ans

Archives 2018

Description

Avec «Réalité», son précédent film, le plus vertigineux, réalisé pendant son exil à Los Angeles, Quentin Dupieux était arrivé à la fin d’un cycle. Sa féconde période américaine a été marquée par des expérimentations plastiques, littéralement sur la jante («Rubber» et son pneu tueur), aux frontières de l’abstraction, du gag (ou du non-gag) étiré jusqu’au malaise. La barrière de la langue lui aura permis d’explorer d’autres formes comiques, visuelles, muettes, mais, de son propre aveu, un peu « au détriment de [sa] plume ». Il lui fallait rentrer pour retrouver la liberté de jouer avec les mots.

Dans «Au poste !», les dialogues pétillent de trouvailles et d’esprit, comme chez Raymond Queneau. Ils sont la matrice du huis clos et les ressorts de l’intrigue, par ailleurs minimaliste. Une nuit, dans un commissariat de police en banlieue, Buron, un flic pince-sans-rire (Benoît Poelvoorde, au sommet de son art oratoire) interroge Fugain (Grégoire Ludig, parfait dans la peau du faux coupable) au sujet du cadavre qu’il a trouvé par hasard. La garde à vue est régulièrement interrompue par un adjoint borgne, stupide et suspicieux, et l’on s’échappe parfois sur les lieux du crime, dans des flash-back illustrant les déclarations du témoin. Fidèle à son goût pour le cinéma français populaire des années 1970, le cinéaste truffe son film de références, de «Le Magnifique», de Philippe de Broca, à «Buffet froid», de Bertrand Blier, et il ose même un coup de théâtre à la Buñuel. C’est brillant et modeste, cinéphile mais accessible. Comme savaient l’être Blier et de Broca en leur temps… L’auteur atteint des sommets d’humour franco-belge avec cette comédie qui a le bon goût de durer à peine plus d’une heure. La durée idéale. Celle des meilleures blagues. – Jérémie Couston, Télérama