Monsieur et madame ont deux enfants, un appartement, un travail, des amis, ce qu’il est convenu d’appeler une vie normale. Ils vivent dans une grande ville d’Europe – Bucarest en l’occurrence, même si ce pourrait être Munich, Manchester ou Milan. Un jour au parc, un des enfants disparaît.
Centré sur le mari, interprété avec beaucoup de conviction par Bogdan Dumitrache, le film accompagne la désintégration d’un univers, à la fois réel et mental, suite à l’irruption dans le tissu du quotidien de cet événement aussi imprévisible qu’irrémédiable. Le ressort dramatique de la disparition trouve ici, aux confins du thriller, du film d’horreur et du drame psychologique, sa propre puissance d’émotion et de trouble.
Organisation de l’espace, composition des durées et des distances, agencements des lumières et des sons: grâce à la mise en scène, il se passe toujours quelque chose durant les deux heures et demie de «Prororoca» et ce jusqu’à la dernière partie, aussi extrême que non-programmée. Jusqu’au bout, plusieurs hypothèses restent ouvertes, le film garde cette liberté, c’est-à-dire la laisse au personnage et au spectateur. Ce qui advient est à la fois logique –une des logiques possibles– et non asservi ni à une efficacité spectaculaire (pourtant la scène est spectaculaire), ni à une morale préétablie.
«Pororoca» se nourrit de la matière du quotidien plutôt que d’artifices romanesques, et c’est tout à son honneur et, pourrait-on dire, à l’honneur du cinéma lui-même, de permettre cette variété et cette richesse, cette inquiétude et cette attention au monde et aux êtres qui le peuplent. – Jean-Michel Frodon, Slate.fr