La petite vingtaine, Issachar (Maxi Delmelle) et Zabulon (Harpo Guit) vivent avec leur mère Cashmere (Claire Bodson), une prostituée de la rue d’Aerschot, dans un petit appartement bruxellois. Fainéants, têtes en l’air et plutôt irresponsables, les deux frères ne sont pas avares d’une connerie. Leur dernière? Ils ont égaré Jacques Janvier, le chien adoré de leur mère. S’ils ne le retrouvent pas au plus vite, la matrone les prévient: elle les fout dehors! Les deux ados attardés se lancent donc à sa recherche dans les rues de la capitale, multipliant les rencontres les plus inattendues les unes que les autres.
Complètement foutraque. Il n'y a pas d'autre mot pour décrire cette comédie burlesque signée Lenny et Harpot Guit, deux Parisiens ayant fait leurs études à Bruxelles, l'un à l'IAD, l'autre au Conservatoire. Buddy movie totalement libre, «Fils de plouc» est issu d'un appel à projets du Centre du cinéma en vue d'aider des productions légères (comme le décevant «Losers Revolution» de Thomas Ancora ou l'excellent «Une vie démente» d'Ann Sirot et Raphaël Balboni).
Habitués des vidéos YouTube (sur leur chaîne Clubb Guitos), les Guit ont tourné leur premier long métrage en quatrième vitesse, à raison de 4 à 5 minutes utiles par jour! Le résultat est un véritable ovni dans la production belge. Un film aussi barré, on n'en avait sans doute plus vu depuis «C'est arrivé près de chez vous» en 1992. Même si le style et le ton sont totalement différents.
Ce tournage à l'arraché participe à l'esthétique générale du film, totalement fauchée, plutôt funky, volontiers expérimentale et bourrée de bonnes idées et de gimmicks imparables (à commencer par le nom du chien, Jacques Janvier, à haut potentiel culte). Les deux frangins s'en donnent en effet à cœur joie pour mettre en scène les mésaventures de leurs personnages, qui forment un duo comique classique façon Judd Apatow ou, plus encore, façon Gérard Depardieu-Pierre Richard dans «La Chèvre» ou «Les Compères».
Il y a en effet dans «Fils de plouc» un côté rétro assumé, renforcé par la musique (notamment le générique final à la flûte, qu'on dirait sorti d'une comédie de Claude Zidi ou de Francis Veber). Les jeunes Guit renouent ici de façon surprenante avec la veine du cinéma burlesque français des années 70.
Derrière la comédie totalement barrée, les deux cinéastes abordent pourtant des sujets assez personnels, comme la fraternité, mais aussi le rapport à la mère ou même le deuil. Si l'on rit tout le temps, «Fils de plouc» n'est pas qu'une comédie complètement conne, elle charrie des choses plus profondes, crée même le malaise parfois en abordant des thèmes comme la prostitution, la zoophilie ou la mort. Bref, au-delà de la gaudriole enfantine et du côté de bric et de broc, le film parvient à interpeller le spectateur.
Dans leur délire, les frères Guit ont d'ailleurs réussi à emmener des acteurs belges confirmés comme Yannick Renier et Claire Bodson (vue chez Lafosse et les Dardenne), mais aussi une star française: Mathieu Amalric. Tandis que la première de leur film a eu lieu en janvier dernier en Midnight Screening au prestigieux Festival de Sundance. – Hubert Heyrendt, La Libre
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