L'Âme en jeu

Roberto Faenza, 2003, Italie/Fance/Royaume-Uni, vidéo, version originale anglaise sous-titrée français, 90', 12/14 ans Le divan du jeudi soir: Proposé par la Société Suisse de Psychanalyse

Archives 2019

Description

À partir de la véritable histoire de Sabina Spielrein – une jeune Russe souffrant de troubles psychiques et qui sera prise en charge par Carl Gustave Jung – Roberto Faenza propose une lecture passionnante et pleine d'émotion d'une existence hors du commun.

En 1977, un peu par hasard, on découvrait dans une cave du palais Wilson, siège genevois de l'Institut suisse de psychologie, un carton contenant toute une correspondance secrète entre Jung, Freud et une jeune femme inconnue du nom de Sabina Spielrein. Une correspondance qui fut rapidement publiée, dès 1980, et que le réalisateur Roberto Faenza découvrit dans une librairie romaine. La lecture qu'il en fit est à l'origine de «L'Âme en jeu».

Jeune fille russe – d'une famille juive, riche et cultivée – Sabina Spielrein (Emilia Fox) est sujette à de violentes crises de dépression. A 19 ans, en 1905, ses parents décident de l'interner dans une clinique psychiatrique zurichoise. Elle est prise en charge par un jeune médecin, Carl Gustave Jung (Iain Glen), qui décide d'expérimenter sur elle une nouvelle méthode de traitement révélée par un certain Sigmund Freud: la psychanalyse. Sabina va se laisser peu à peu apprivoiser par son thérapeute, tandis qu'un amour naît entre eux.

Roberto Faenza aurait pu en rester à la description d'une histoire sentimentale, tout en jetant un rapide coup d'œil sur le fonctionnement de la psychanalyse. Le cinéaste italien va heureusement plus loin et fait de son film une œuvre plus ample, plus terrible aussi, en suivant pas à pas l'existence de Sabina, une existence qui traverse l'histoire russe de la première moitié du XXe siècle (l'URSS de Lénine, puis de Staline, la 2e Guerre mondiale, etc.) De plus – et c'est là la véritable originalité de «L'Âme en jeu» – le cinéaste introduit un autre personnage, fictif celui-là, qui dit s'appeler Marie (Caroline Ducey), mais dont le vrai nom est Frankin Spielrein. Jeune étudiante française, elle veut savoir (on est à la fin des années 80) si elle a un lien de parenté avec cette Sabina qui porte le même nom qu'elle. Au cours de ses investigations à Moscou elle rencontrera un jeune professeur d'histoire anglais, Richard (Craig Ferguson), qui l'aidera à retrouver les traces et à reconstituer l'existence assez exceptionnelle de Sabina Spielrein.

S'installe alors une démarche narrative intéressante: la découverte par Marie des textes de (et sur) Sabina renvoie aux événements vécus par cette dernière, mais influe en même temps, par un subtil jeu de miroirs réfléchissants, sur la vie même de Marie et sur les relations qu'elle tisse peu à peu avec Richard. La recherche obstinée de Marie va permettre de mieux connaître la vie de Sabina, comme elle va infléchir la sienne propre. Entre le passé et le présent, entre la fiction et le réel, entre la folie initiale et l'amour naissant, s'installe un va-et-vient complexe, mais parfaitement maîtrisé, fait de deux histoires qui partent à la rencontre l'une de l'autre tout en s'éclairant mutuellement.

Le film parle peu de psychanalyse – l'exploration de l'inconscient n'est pas très cinématographique! – il n'évoque que trop incidemment les relations épistolaires entre Sabina et Freud et ne propose ni thèse, ni jugement historique. Se dégage néanmoins de «L'Âme en jeu» – film de facture très classique – l'image étonnante d'une femme hors du commun.

Poussant l'honnêteté jusqu'à aller en Russie à la recherche de documents inédits, Faenza s'est entretenu avec une nièce de Sabina. Il a pu retrouver aussi l'un de ses anciens patients. Des signes et un gage de sérieux pour un film qui – même s'il contient, comme le dit le cinéaste, nombre de «licences poétiques» – permet de mieux approcher et de mieux connaître le destin assez exceptionnel de Sabina Spielrein. (Après avoir pratiqué la profession d'analyste et dirigé à Moscou une clinique psychiatrique pour enfants, Sabina repartira en 1942 pour sa ville natale de Rostov: c'est là qu'elle trouvera la mort, en même temps que beaucoup d'autres Juifs, lors de l'occupation de la ville par les nazis).

Avec «L'Âme en jeu», Faenza a réalisé un film où les pistes de réflexion sont multiples. On croit par moments les personnages envahis par la passion amoureuse et le film glisser vers la romance, mais l'histoire repart dans une autre direction, mouvementée et tragique, portée par des comédiens peu connus, mais remarquables. En particulier Emilia Fox, dans le rôle de Sabina, personnalité à la fois fragile et déterminée, partie à la poursuite d'un rêve fait de passion et d'amour, au sens large du terme. – Antoine Rochat, Ciné-Feuilles

 

Une prochaine soirée Le divan du jeudi soir organisée par la Société Suisse de Psychanalyse aura lieu le 21 novembre.
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