«Mother Lode» de Matteo Tortone a été filmé dans un noir et blanc impeccable, pur, profond et impitoyable. Ces deux derniers mots fonctionnent aussi pour décrire les mines des Andes péruviennes, où arrivent chaque année des milliers de travailleurs saisonniers pour soutenir leurs familles et chercher un peu de fortune.
Parmi ceux-ci se trouve Jorge, un jeune chauffeur de taxi de Lima. Quand son vieux taxi-moto à trois roues le lâche complètement, il salue sa femme et sa fillette, les laissant dans la barraque de planches en agglo et de tôle ondulée, et il part, sac-à-dos à l'épaule, en direction des glaciers. Le héros de ce voyage dans l’indigence et l'illusion est interprété par le Péruvien José Luis Nazario Campos, qui, avec ses récits d’expérience réelles, a donné corps à ce beau film du réalisateur italien. C’est une voix off, celle de Denzel Calle Gonzales, qui exprime le flux des souvenirs et des réflexions du personnage, écrit par le réalisateur avec Mathieu Granier sur la base des chroniques de Campos. «Ceci n’est pas une histoire, c'est une multitude d'histoires ayant touché autant d'êtres humains qui parlent de la fortune, de l’amour, de l’or et de la mort». Des histoires sans noms qui sont nées du besoin et parlent de la valeur de l’argent et de ses conséquences.
La photographie dont on parlait, signée par le Suisse Patrick Tresch, restitue les délires de Jorge et la réalité de la boue, de la roche, du froid indomptable, les yeux éteints par l'alcool des camarades mineurs. «À 13 ans, quand tu vas dans la mine pour la première fois, on te dit que l'or vient du diable, – continue Jorge. – Vie et mort sont entre ses mains. Tu dois faire un pacte avec lui, c’est seulement une question de temps». La superstition et les rites, amalgame de catholicisme et de magie, sont qui fait avancer les mineurs. Le pagacho, une part de la paie des mineurs, est offert à la «Gringa» – c'est le nom donné à l’artère principale, le filon d'or d'où vient le titre anglais du film. Mais parfois, l’avidité l’emporte. Ou quelqu’un meurt dans l’explosion d’une mine. La mine-Moloch requiert des sacrifices humains.
Jorge arrive à La Rinconada, une petite ville de quelques milliers d'habitants à peine qui est la cité humaine la plus haute du monde, à 5100 mètres d'altitude, au pied du glacier Ananea Grande. Les températures extrêmement basses et le manque d’oxygène nuisent à la santé de ceux qui ne sont pas habitués; l’eau est polluée par le cyanure et le mercure. Les routes sont des rivières de boue. On mastique des feuilles de coca pour lutter contre le mal des hauteurs. Le diable aime les femmes et des femmes, il y en a des tas dans les villes minières. «Tu paies pour être avec une fille qui est là pour nourrir sa famille, tu la paies pour lui raconter tes angoisses». L’obscurité de la mine fait peur, dans ce film entre documentaire et fiction. La caméra de Matteo Tortone descend dans les entrailles de la montagne avec les mineurs, et ne les abandonne jamais. Les musiques d'Ivan Pisino accompagnent la complainte de la roche, et les explosions, au loin. Le temps s'écoule lentement. C’est une histoire circulaire, qui n'a pas des fin. Dans l'obscurité d'un tunnel, les noms sont oubliés. – Camillo De Marco, Cineuropa
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