Cette semaine, pas de nouveautés certes, mais l’occasion, pour vous, d’attraper au vol les beaux – et nombreux – films de l’automne qui s’épanouissent à l’affiche, et pour nous, de mettre en avant les visages de celleux qui sont, pour quelques heures, passeur·euse·s d’histoires.
À commencer par le clan d’acteurs palestiniens Bakri – Mohammad, Saleh et Adam, père et fils – réunis par Cherien Dabis dans «All That's Left of You» – où elle incarne par ailleurs Haran, la narratrice, pierre angulaire d’une famille condamnée à l’exil après la Nakba – et qui racontent les répercussions et les traumatismes qui marquent, différemment, chaque génération d’un peuple opprimé, mais résilient.
Nabila Zeitouni est, dans «Leïla et les loups», l’alter ego de la cinéaste Heinry Srour qui excave à travers ce film-manifeste, la mémoire collective des femmes palestiniennes et libanaises. Ainsi, Leïla voyage à travers le temps pour relever et révéler le rôle occulté, invisibilisé, des femmes dans la version coloniale et masculine de l’Histoire telle qu’elle est présentée par son amoureux Rafic. Désireuse de leur rendre hommage et de mettre en lumière leurs actions, la réalisatrice fait le choix de la fiction pour pallier au manque d’archives, la confrontant aux vidéos officielles pour inventer son langage. Attention, dernières séances !
On retrouve dans «Bilder im Kopf» d’Eleonora Camizzi, cette même idée de lever le voile. En se mettant en scène avec son père (Vincenzo, diagnostiqué schizophrène paranoïde à l’âge de trente ans) dans un cube blanc renvoyant aussi bien à une chambre d’hôpital qu’à une œuvre d’art contemporain, elle ouvre, non seulement entre elleux deux, mais avec tou·te·s celleux qui s’y intéresseront, un dialogue sensible sur la maladie et la relation filiale qui les unit, libéré de tout jugement.
Si raconter son histoire personnelle est une chose, il en est une autre de retranscrire l’Histoire. Mais Elio Germano semble être rompu à l’exercice, puisqu’il eut été l’écrivain et poète Giacomo Leopardi (2014), Saint François d’Assise (2016), le peintre Antonio Ligabue (2020) ou encore récemment Matteo Messina Denaro (2024). Dans «La grande ambition», il se met dans la peau d’Enrico Berlinguer, l’un des plus grands leaders du parti communiste italien – rôle pour lequel il vient d’être récompensé du prix David di Donatello du meilleur acteur. Attention, dernières séances !
Richard Linklater a lui préféré, pour sa «Nouvelle Vague», faire le pari de jeunes acteurices inconnu·e·s, choisi·e·s pour leur ressemblance avec les figures de l’époque – à l’exception de Zoey Deutch (avec laquelle il avait déjà collaboré dix ans plus tôt, pour «Everybody Wants Some!!») qui fait ici, une merveilleuse Jean Seberg. On découvre Guillaume Marbeck derrière les lunettes de Jean-Luc Godard ou encore Aubry Dullin, empruntant à Jean-Paul Belmondo quelques crochets du droit, dans un hommage enlevé et joyeux, qui fleure bon l’air d’un autre temps.
Oliver Laxe fait la part belle aux acteurices non professionnel·le·s dans «Sirât». Iels, raveureuses à la ville comme à l’écran, entourent Sergi López («Harry, un ami qui vous veut du bien» ou «Le Labyrinthe de Pan»), ou plutôt Luis, un père désespéré, qui arpente, avec son jeune fils, le désert marocain à la recherche de sa fille. Au fil de ce voyage au bout de l’enfer grandit une tension psychologique et sensorielle extraordinairement portée par cette poignée de marginaux – famille trouvée, choisie au gré des routes poussiéreuses – jusqu’au décrochage.
Ariel Bronz, figure provocatrice et radicale du théâtre expérimental, poète et activiste israélien, tient dans «Oui», aux côtés d’Efrat Dor, son premier rôle au cinéma. Il incarne Y., un pianiste de jazz fauché, jeune père, qui, en compagnie de sa femme Jasmine, (s’)amuse à s’y perdre dans des soirées décadentes de la jet set. Anesthésiée par l’alcool, la drogue, la musique et la danse, la passivité est reine. Jusqu’à ce qu’il se voit confier la composition d’un nouvel hymne, déclenchant une profonde crise personnelle et morale, forçant le public à se confronter avec lui aux questions du pouvoir et des mécanismes de soumission.
ÉVÈNEMENTS !
À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le mardi 25 à 18h, CinéBobines Québec, avec le support de l’Ambassade suisse du Canada, vous convie à une séance spéciale de «Je vous salue salope» de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist.
Des deux côtés de l’Atlantique, Marion Séclin, Laura Boldrini, Laurence Gratton, Kiah Morris et Rehtaeh Parsons ont été harcelées sur Internet. Youtubeuse, enseignante, lycéenne ou femmes politiques, elles ont demandé de l’aide et se sont toutes heurtées à un mur. Face à la banalisation de la cyberviolence, les deux réalisatrices québécoises livrent un film puissant qui rend compte des ressorts et de la réalité de ces agressions.
La séance est gratuite et sera suivie d’un Q&A en visioconférence avec Léa Clermont-Dion. Réalisatrice, mais aussi autrice («La revanche des moches», «Crève avec moi»), elle a donné plus de deux cents conférences sur des sujets relatifs aux questions féministes, notamment au Conseil de l’Europe.
N’hésitez pas à réserver !
Bonne(s) séance(s) !